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La Margelle

11 mars 2009

Culture negro-africaine et progrès : rêve ou idiotie ?

        Toutes les analyses socioculturelles sur l’histoire et le développement des peuples d’Afrique noire laissent perplexes. Présenté comme le berceau de la civilisation universelle, le monde nègre semble rester à la traîne de la marche de l’humanité. Après l’éloge de ses premiers évolués qui ont exprimé dans la negritude tout un ensemble des valeurs du monde noir propres à participer à ce métissage culturel de la civilisation de l’universel, l’évolution de la pensée actuelle n’entrevoit guère de progrès et d’apport efficaces dans ce mouvement de mondialisation.

         En effet, les travaux du célèbre historien et anthropologue sénégalais Cheikh Anta Diop ont prouvé l’antériorité de la civilisation nègre et l’apport de la culture nègre dans la civilisation gréco-romaine. A travers diverses études des écrits des historiens occidentaux tel Hérodote qui ont exploré l’Egypte antique, C.A. Diop en est arrivé à cette vérité qui dérange à savoir que l’Egypte antique était nègre. Il n’a fait que reprendre et soutenir les thèses de certains historiens occidentaux qui sans complaisance ont relevé des faits témoignant de l’identité exacte des égyptiens d’alors. C’est principalement dans son célèbre ouvrage Nations nègres et Culture que C. A. Diop a reconstitué l’histoire de la civilisation nègre et a donc éclairé d’un jour nouveau l’apport des nations nègres dans la culture occidentale qui a tout puisé en Egypte.

         Fort de ses découvertes, C.A. Diop a voulu intégrer dans la mentalité des intellectuels africains ces connaissances pour qu’ils s’arment sans complexes de sciences et réalisent leur projet d’avenir dans cet univers occidentalisé. L’écho de son message atteindra l’élite de l’époque coloniale qui, à travers le mouvement d’émancipation des peuples noirs, a milité pour la promotion des valeurs nègres. Les chantres de la negritude alimenteront la sphère culturelle des mouvements militant pour l’indépendance des pays d’Afrique noire.

         Pourtant, après la fièvre des indépendances, l’Afrique a brillé par ses exploits inédits en matière de megestion. Le tourbillon politique qui a suivi l’avènement de la « liberté » dans certains états a laissé persister des taches d’une immaturité des dirigeants et a ralenti la marche de ces peuples vers le progrès. On connaîtra partout des dictatures, des partis uniques, des coups d’états, de dévaluation monétaire, et une régression sans précèdent dans le domaine des droits de l’homme. D’aucuns s’interrogent même si ces peuples n’ont pas choisi de retourner à la barbarie d’antan en refusant tout progrès. C’est comme si après le départ de l’homme blanc, le noir Africain découvre du coup l’écart qui lui restait à franchir de lui-même avant d’accéder au monde des « civilisés » ; et  que, y étant parvenu grâce à un autre, il perd le chemin authentique.

         Aujourd'hui, le monde s'interroge sur le devenir de l'homme africain aussi fascinant que mystérieux. C'est ainsi que le Président français Nicolas Sarkozy dira lors de son discours tristement célèbre de Dakar que "le drame de l'homme africain c'est qu'il n'est pas assez entré dans l'histoire"!!! La question est de savoir de quelle histoire parle Sarkozy, s'agit-il de l'histoire écrite par l'homme blanc ou de celle que doit écrire au fil des événements l'homme noir africain?

         Il appartient donc à l'homme noir d'Afrique de s'investir totalement pour rendre réel ce vieux rêve de progrès et montrer à la face du monde que le noir n'a pas seulement brillé dans son "endurance à la chicotte" mais qu'il est capable d'apporter un plus dans l'humanité d'aujourd'hui comme il l'a si bien fait en contribuant au développement des autres.

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3 mars 2009

PATRICE LUMUMBA: un héros décrié

         Voilà près d’un demi-siècle que l’ancien premier ministre du Congo (aujourd’hui R.D.C.) Patrice Lumumba fut sauvagement assassiné pour ses idées nationalistes. Militant infatigable de la cause nationale congolaise, Lumumba fut l’un des pères de l’indépendance de la République démocratique du Congo en 1960. Son combat pour la dignité de son peuple exprimé courageusement dans son discours le jour de indépendance lui valut des reproches et critiques acerbes de la part de l’ancienne autorité coloniale. Son jeune gouvernement n’aura même pas le temps de concrétiser toutes les promesses électorales qu’une débâcle s’abattra sur la scène politique qui conduira à la liquidation du jeune nationaliste le 17 janvier 1961. Promu au rang de héros national par le Président Mobutu en 1966, l’ombre de Lumumba ne cesse de planer sur le destin de la R.D.C. avec des avis partagés sur le rôle et la responsabilité de Lumumba dans l’avenir de ce pays.

         Lumumba serait-il devenu le bouc émissaire de toutes les misères que vivent les congolais ? Le héros vénéré jadis pour son combat politique passerait-il aujourd’hui au crible par une population insatisfaite de la marche de son pays ? En quoi ses idées et motivations sont-elles responsables de graves délits que ne cesse de subir son peuple ?

         L’histoire exceptionnelle de la R.D. du Congo ne cesse de perturber tout esprit curieux du devenir de ce pays. Originellement propriété privée du roi des belges Léopold II, le pays est passé par plusieurs statuts : Etat Indépendant du Congo en 1885 après la conférence de Berlin, il deviendra le Congo-Belge en 1908 et gardera ce statut jusqu’à indépendance du 30 juin 1960.

         Parmi les congolais dits « évolués » qui se sont battus pour une indépendance totale de ce pays, Lumumba passera pour un grand leader de par sa popularité et ses ambitions pour cet état en gestation. Il sera un des acteurs de la conférence de la TableRonde à Bruxelles et se fera remarquer par ses idées d’un Congo uni et souverain. Ses prises de position le mettront en conflit avec les partisans d’un Congo fédéral qui lui en voudront toujours pour ses manières un peu « arrogantes ».

         Président-fondateur du Mouvement National Congolais, Lumumba verra son parti gagner les élections législatives et sera logiquement désigné comme formateur du gouvernement avec le soutien de l’Alliance des Bakongo (ABAKO) du Président Joseph Kasa-Vubu. Il portera cette lourde tache et s’estimera digne de faire un discours (quoique imprévu) en ce jour mémorable du 30 juin 1960. Jugé injurieux à l’encontre du Roi des belges présent en la cérémonie, ce discours qui dépeignait la situation des congolais pendant la colonisation sera responsable de la brouille entre le jeune Etat et son ancien colonisateur.

         Des émeutes éclateront quelques jours dans les camps militaires, allumées par une phrase incendiaire d’un officier belge qui déclara qu’après l’indépendance égale avant l’indépendance. Puis suivront des sécessions au Katanga et au Kasaï. Devant cette situation chaotique, Lumumba menacera de faire appel aux soviétiques pour stabiliser la situation et restaurer la souveraineté nationale. Des tels propos n’ont fait que renforcer un climat qui lui était déjà hostile et une conspiration se fera jour pour l’élimination physique de cet homme aux motivations suspectes.

         Lumumba sera alors destitué par le Président Kasa-Vubu. Et lui, estimant qu’il détenait la légitimité des urnes, demandera à son tour au Président de déposer sa lettre de démission. Devant une situation troublante, le colonel Mobutu (à peine élevé à ce grade par Lumumba en remplacement d’un officier belge à la tête de la force publique) neutralisera la classe dirigeante et assignera Lumumba en résidence surveillée.

         Après quelques jours de vie cloisonnée, Lumumba réussira avec l’aide de son ami Kamitatu à tromper la vigilance des gardiens et tentera de joindre Stanleyville (aujourd’hui Kisangani) par la route du Bandundu. Rattrapé dans sa course par les militaires à la solde du colonel Mobutu, Lumumba sera d’abord incarcéré à Thysville (aujourd’hui Kisantu), puis transféré à Elisabethville (aujourd’hui Lubumbashi) où l’attendait son ennemi Moïse Tshombe avec qui il s’était brouillé lors de la conférence de la table ronde sur le futur statut du pays.

         Après un vote auquel ont pris part les principaux acteurs politiques de l’époque et des représentants de la Belgique, il sera décidé de l’exécution de Lumumba et de ses deux compagnons (Okito et Mpolo). Ce qui sera fait le 17 janvier 1961 ; mais devant la crainte de la réaction populaire, les corps seront déterrés et plongés dans un tonneau rempli d’acide sulfurique. Ainsi toute trace de la sale besogne disparaissait.

         Aujourd’hui la mémoire de Lumumba alimente de vifs débats dans les esprits des congolais. La vision actuelle de la population est presque obnubilée par des hauts et des bas qu’a connu ce pays aux multiples facettes, et l’on attend souvent des propos qui présentent Lumumba comme étant la source de tous les maux de son peuple pour avoir précipité l’indépendance du pays et surtout pour avoir fustigé l’ancienne puissance coloniale dans son discours historique.

         En fait, on omet de faire une lecture exacte de l’histoire de ce pays. Une analyse honnête et sans passion nous fait remarquer que l’homme Lumumba a été de son temps celui qui avait une vision d’un Congo prospère et souverain. Il n’a pas méconnu l’apport de la Belgique

         L’histoire retiendra que le 30 juin 1966, le président Mobutu a réclamé une minute de silence pour la mémoire de celui qu’il venait de consacrer « héros national ». Il a lui-même connu l’homme pour avoir fait parti de son gouvernement et c’est aussi garce à lui qu’il accédera à la direction de la force publique. Cette sacralisation était donc le fruit d’une analyse minutieuse du rôle de Lumumba dans le destin de cet état alors réunifié et guéri des affres des premières heures. Toutes les conditions étaient alors réunies pour un nouveau départ dans l’attente avec l’ancienne puissance coloniale et la confiance de ce peuple. Mais qu’en est-il de l’évolution ultérieure ? Qu’a-t-on des acquis de indépendance ? Quel héritage a-t-on gardé du message de celui qu’on appelait au respect ?

         Paradoxalement, la marche ultérieure du Congo alors devenu Zaïre laisse à désirer. Après tant d’efforts pour une liberté et une souveraineté totale, le pays a régressé dans sa marche vers le progrès. Le rêve d’un bonheur pour tous se trouve prisonnier d’un parti unique qui proclame la révolution populaire en recourant à « l’authenticité » ou retour à nos valeurs traditionnelles. Très vite, le pays oublie la lutte passée et entre dans une ère d’illusions et de mégalomanies. On bannit les prénoms chrétiens (coupant le lien avec cette matrice occidentale qui nous a appelé à la civilisation), les monuments des anciens conquérants et explorateurs sont détrônés de leur siège, etc. Dans l’effervescence de ce mouvement, on parvint même à « zaïrianiser » l’économie du pays malgré le peu d’expériences des citoyens dans certains domaines et surtout le manque criant des personnes qualifiées pour d’autres postes.

         Avec autant de prouesses dans le zèle de l’époque, on en est arrivé à un pays qui n’est plus que l’ombre de lui-même. D’aucuns s’interrogent aujourd’hui sur le « péché » commis pour mériter un tel sort et ne trouvent d’autres possibilités que de regretter l’indépendance du pays. Comme si le pays était mal parti dans ses rêves d’autrefois oubliant alors la stabilité retrouvée avec l’accession de Mobutu au pouvoir et surtout la croissance économique de époque On accuse les vaillants combattants de la cause noble de l’indépendance et en particulier Lumumba présenté comme la racine de tous les maux de ce pays.

La mentalité congolaise ne s’interroge même pas sur le silence suicidaire qui a suivi le premier silence d’honneur à l’égard de celui que toute l’Afrique considère comme un héros. Car comme le dit José Marti « lorsqu’il y a beaucoup d’hommes sans honneur, il y en a toujours qui portent en eux l’honneur de beaucoup d’hommes… Ces hommes représentent la dignité humaine ». Et Lumumba fut l’un d’eux.

A lire : Patrice Lumumba, Le Congo terre d’avenir est-elle menacée ?,            Bruxelles, Office de publicités, S.A. Editeurs, 1961, 215p.

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